En Belgique, les règles comptables européennes sont régulièrement accusées par les mandataires politiques d’empêcher les pouvoirs publics d’encore mener de grands investissements en matière d’infrastructures. Par là, est visé plus précisément le système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC), dont une nouvelle version, le SEC 2010, est en vigueur depuis le 1er septembre 2014. Les normes budgétaires sont devenues plus strictes et, surtout, s’appliquent à un cadre d’acteurs plus large. De nombreux organismes sont dorénavant considérés comme appartenant au secteur des administrations publiques, ce qui implique que leurs dettes sont intégrées aux comptes des pouvoirs publics dont ils dépendent. Cela réduit sensiblement l’intérêt offert par les partenariats public-privé (PPP), traditionnellement utilisés pour limiter les déficits publics. Eurostat est également sous le feu des critiques. Certes, l’office statistique de l’Union européenne n’établit pas les règles. Mais la manière dont il interprète certaines dépenses est pointée comme problématique.
Dès lors, certains estiment qu’il devient progressivement impossible de concilier investissement public et respect de la trajectoire budgétaire édictée par l’Europe. Mais d’autres rétorquent que cette critique est infondée, les entraves dénoncées découlant en réalité d’une mauvaise interprétation de la réglementation, voire d’une volonté de déroger à celle-ci.
Afin d’y voir plus clair, ce Courrier hebdomadaire étudie trois cas concrets : la construction d’une ligne de tram à Liège, la création avortée de CITEO (filiale de la STIB) à Bruxelles et le bouclage du ring d’Anvers par la jonction Oosterweel. Ces trois dossiers ont en commun de s’être heurtés aux règles comptables européennes, à savoir qu’Eurostat a contraint chacune des trois Régions à placer l’ensemble des dépenses dans son périmètre de consolidation. Or, dans chaque cas, la Région concernée a jugé qu’il lui serait trop difficile de supporter les conséquences financières de cette obligation, eu égard à l’impact direct que cela aurait sur son niveau d’endettement. Dans le cas de CITEO, la décision d’Eurostat a conduit à un abandon pur et simple du projet. Dans les deux autres cas, les gouvernements respectifs ont tenu bon et ont modifié leur montage financier. Ainsi, après trois refus, le projet du tram de Liège a, finalement, été accepté par Eurostat au printemps 2017.