Depuis quelques dizaines d’années, la démocratie est en crise, et en crise profonde. Cette crise n’a jamais été réellement surmontée, et toute l’Europe ou presque en laisse percer les symptômes au plan électoral. Périodiquement, les partis d’extrême droite, nationaux-populistes ou populistes obtiennent, dans différents pays, des scores à deux chiffres qui témoignent d’un malaise, d’une colère ou d’une déception. Tendanciellement, l’instabilité électorale n’a cessé d’augmenter dans la plupart des pays européens, comme si les électeurs, chaque fois insatisfaits, en étaient réduits à essayer les partis politiques les uns après les autres. Plus récemment enfin, depuis l’éclatement de la crise financière et bancaire à l’automne 2008, la quasi-totalité des élections législatives débouche sur un vote-sanction extrêmement sévère pour la majorité en place, et qui ne peut s’expliquer que par le dépit de l’électorat.
Les motifs de cette crise sont multiples et difficiles à démêler. Il en est un, cependant, sur lequel nous devons nous arrêter, car il semble pouvoir éclairer les nouvelles pratiques de la démocratie. Il s’agit, de surcroît, d’un motif de malaise à la fois profond et structurel, c’est-à-dire, on peut le craindre, indépassable. Pour le résumer en une phrase, il réside en ceci que les évolutions qui ont rendu la démocratie indispensable, qui en ont fait le seul régime admissible pour la plupart des citoyens, la rendent en même temps insatisfaisante, frustrante, source de dépit et de colère.
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