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Sous trois dénominations successives – Société générale des Pays-Bas pour favoriser l'industrie nationale à partir de 1822, Société générale pour favoriser l'industrie nationale à partir de 1830, Société générale de Belgique à partir de 1903 – s'est développé, avec une continuité qui n'a pas d'autre exemple, ce que l'on peut considérer comme le prototype même de la banque mixte, cette forme de structuration du pouvoir financier caractéristique du capitalisme belge jusqu'à la réforme intervenue en 1934-1935. Certes l'histoire complète en reste encore à écrire, avec recours systématique à toutes les sources. Un survol tel que celui présenté ici nous paraît toutefois suggestif, et ce de plusieurs points de vue. Née de l'initiative conjointe du roi des Pays-Bas et de financiers et négociants de la place de Bruxelles, la Société générale ouvre la voie à un certain type d'institution financière privée, mais joue simultanément un rôle public pendant plus de vingt-cinq ans. Son histoire s'organise autour de grandes dates, qui appartiennent au calendrier de l'histoire politique (la création de l'Etat belge indépendant en 1830, la guerre en 1914,…) et en périodes, qui sont celles de l'histoire économique (l'expansion internationale de la société et de son groupe coïncidant avec la deuxième révolution industrielle). Cette histoire est marquée de crises, dont la plus grave se situa en 1848 et entraîna la fin du rôle public joué jusque-là. Le mode de résolution de la crise ne prémunit toutefois pas la société, non plus que sa clientèle, contre tous les risques inhérents à la forme de la banque mixte. Ce ne sera que lors d'une crise bien ultérieure et par des décisions concernant la totalité des sociétés de même nature – qui s'étaient pour la plupart développées sur le modèle même de la Société générale -, qu'il sera mis fin en 1934-1935 au système de la banque mixte. Histoire politique et histoire économique sont indissociables dans l'étude de tels cas. On verra par exemple toute l'incidence d'une décision politique telle que la réforme du régime légal des sociétés intervenue en 1873 et toute l'importance des enjeux des débats politiques sur les modes de mise en exploitation des gisements charbonniers de Campine. Histoire politique et histoire économique apparaissent également indissociables à travers les indications biographiques sur les dirigeants, dont de très nombreux ont cumulé ou assuré successivement des fonctions très diverses (1). La société et ses dirigeants ont été des acteurs importants et souvent déterminants de l'histoire économique et politique. Les stratégies mises en oeuvre furent toutefois souvent circonstancielles. 'L'engagement de la Société générale dans la grande industrie résulte non pas d'une stratégie mûrement délibérée mais des circonstances imprévisibles de la crise de 1830' (2). Le survol de plus d'un siècle d'histoire met en relief, davantage qu'une capacité d'innovation, plus d'une fois prise en défaut ou mise en échec, une faculté d'adaptation, parfois tardive mais jamais démentie. (1) Stendhal écrit, dans les Mémoires d'un touriste : (l)ignorance, à l'égard des chemins de fer, est générale en France, tandis qu'à Liège et à Bruxelles, tout le monde comprend cette question. Est-ce la faute de la Chambre, si la France n'a pas d'hommes comme M. Meeus ?' (Voyages en France, Bibliothèque de la Pléiade, 1992,277). L'index des personnes et personnages établi pour cette édition présente F. Meeûs (gouverneur de la société de 1830 à 1861) uniquement comme 'homme politique belge'. (2) 'Société générale de Belgique', Dictionnaire d'Histoire de Belgique, dir. H. Hasquin, Didier Hatier, 1988,436.