L'évolution des pouvoirs spéciaux sous Martens VI

Le vote de la loi du 27 mars 1986 a suscité de longs échanges de vues au Parlement et de nombreux commentaires dans la presse (1). La mise en oeuvre de la loi n'a par contre guère retenu l'attention des mandataires publics et des observateurs politiques. Les trois débats parlementaires relatifs à la confirmation des arrêtés d'exécution se sont déroulés dans une indifférence marquée (2). Ce peu d'intérêt montre, mieux que tout autre indice, la banalisation croissante du recours aux pouvoirs spéciaux. Il met également en lumière le caractère superficiel des discours et des commentaires de la presse dans cette matière. Les questions théoriques font l'objet de longs développements, souvent répétitifs, alors que les mesures d'exécution bénéficient au mieux d'un intérêt poli. Néanmoins, cela ne doit pas laisser oublier les nouveaux enseignements apportés par la dernière loi de pouvoirs spéciaux. Les précédentes lois du 2 février 1982 et du 6 juillet 1983 avaient déjà apporté des changements importants. La loi du 27 mars 1986 a poursuivi sur cette lancée (3). On examinera successivement ici les problèmes posés par la rédaction de la loi d'habilitation, ceux posés par les arrêtés d'exécution, et les modifications intervenues dans les mécanismes de contrôle parlementaire. Sans effectuer une analyse systématique de toutes les mesures prises par le gouvernement, le contenu des arrêtés les plus marquants sera brièvement rappelé. Le rôle joué par la section de législation du Conseil d'Etat sera également examiné. (1) La loi du 27 mars 1986 (Moniteur belge, 28 mars 1986) avait pourtant suscité d'amples commentaires dans la presse. Le projet de loi du gouvernement avait aussi été longuement examiné par le Parlement : voy. les rapports de MM. le Hardy de Beaulieu et Vermeiren à la Chambre (Doc. Parl., Chambre, sess. 1985-1986, No 128/17), ainsi que de MM. Hartry et Van Houtte au Sénat (Doc. Parl., Sénat, sess. 1985-1986, No 176/2). Pour plus de commodité, nous les mentionnerons comme suit : Rapport Chambre 1986 ou Rapport Sénat 1986. (2) Les lois du 15 décembre 1986 (Moniteur belge, 19 décembre 1986), du 30 mars 1987 (Moniteur belge, 1 avril 1987) et du 30 juillet 1987 (Moniteur belge, 6 août 1987) ont successivement confirmé toutes les mesures issues de la loi de pouvoirs spéciaux du 27 mars 1986. Trois rapports d'exécution ont également été déposés devant le Parlement (Doc. Parl., Chambre, sess. 1985-1986, No 128/26, 128/27, 128/28, 128/29). (3) Pour une étude des enseignements fournis par les deux dernières lois de pouvoirs spéciaux, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à nos précédentes études : F. DEHOUSSE, Pouvoirs spéciaux et changement de régime (I) : les nouvelles perspectives ouvertes par les lois du 2 février 1982 et du 28 juin 1983, J.T., 1984, pp. 353-365 ; Pouvoirs spéciaux et changement de régime (II) : l'insertion des pouvoirs spéciaux dans l'évolution du régime parlementaire belge, J.T., 1985, pp. 65-72 et 81-90.